lundi 8 juillet 2013

Lapaque, Autrement et encore

Découvert Lapaque, Autrement et encore, et je m’étonne presque de ne le trouver que maintenant, alors même qu’il écrit depuis longtemps, mais dans des journaux que je ne fréquente que de loin en loin.

J’ai d’abord recherché son livre sur Bernanos, sans succès, puis je suis tombé sur ce journal qu’il sous titre contre-journal, tant il est vrai qu’il y a peu de lui même, tant il est vrai que nous ignorons à peu près tout de sa vie personnelle, mais peu de ses recettes, car il semble gourmand. Les propos sont donc des points de vue, des engouements pour des livres, des points de vue politiques avec un regard qui emprunte beaucoup à Bernanos. Ses liens avec le vieux camelot sont étroits. Il semble que La France contre les robots et La grande peur des bien pensants soient ses livres de chevet.

On apprend des choses drôles sur Bernanos, comme cette histoire du marin La Porte des Vaux. Au fil des pages je retrouve parfois des engouements communs, la lecture des biographies des Compagnons de la libération, ma surprise de ne pas voir cité Diego Brosset, car Sébastien Lapaque a un petit tropisme sud américain, il parle de Supervielle Jules, de Lautréamont et lui même écrit des chroniques à Montevideo ou ailleurs.  Ce que j’apprécie dans ce genre de livre, c’est que leur lecture permet de faire des zigzags entre les livres, de créer des hyperliens imaginaires et qu’il donne finalement l’impression d’être en terrain connu.

dimanche 7 juillet 2013

Le Christ s'est arrêté à Eboli


Lu, relu et encore relu. Ce livre n’est pas un roman mais une chronique, une sorte de journal d’un homme relégué par Mussolini dans une région reculée, la Basilicate, appelée alors Lucanie. Carlo Levi raconte ce qu'il vit, ce qu'il voit, le mode de vie de ses habitants, leurs coutumes, leurs croyances, offrant  à la littérature  certaines de ses plus étranges pages. 
Ce qui me frappe c’est la continuité qui existe entre ce petit peuple de Basilicate et n’importe quel autre petit peuple de méditerranée. Je reconnais dans les croyances des habitants de la Basilicate, les croyances de mes aïeux, encore vives, comme celles relatives aux assasen, gardiens des maisons qui peuvent prendre n’importe quelle apparence, et qui veille la nuit tombée sur les habitants de la maison. Et ces expressions que Levi rapporte « bénies soient les mamelles qui vous ont nourris », expression qui me paraît juste de ce que on peut encore entendre dans les rues de mon village après une longue absence.

vendredi 5 juillet 2013

Le lièvre de Patagonie

Lu, enfin, Le lièvre de Patagonie. Compris le titre. Pas miraculeux. Le titre. Des passages extrêmement drôles, sur sa mère et le coiffeur, sur sa traversée avec un rabbin algérien – Lanzman ignore tout du shabbat-, sur sa rencontre avec un rabbin ashkénaze lançant des bouts de poissons à ses élèves comme à des otaries, parfois touchant sur son père qui le soumet, lui et son frère, à un entrainement en cas de rafle, sur Simone de Beauvoir, mon ex voisine de la rue Schoelcher. Beaucoup de belles pages donc et une lecture assez rare pour un livre commis par une sorte d’ours qui semble hanter la rue Boulard à vélo ou dans une voiture électrique minuscule et dans laquelle il entre comme un boxeur sur le ring. Une interrogation, pourquoi sa grand mère, juive, achetait du jambon ? Ais je bien lu ou trop vite lu ?

Lanzman est donc l’homme de ce livre, l’auteur d’un article sur lequel il revient longuement et dont le titre m’échappe mais qui est à propos d’un curé meurtrier -que je me suis promis de lire-, l’éditeur des Temps modernes, l’un des compagnons de Simone, le frère d’une femme dont il fait le portrait attachant et qui finira mal, et l’inventeur de la Shoa grâce à son film dont il raconte la genèse et les péripéties. Que dire de plus, il me faudrait voir Shoa, dont je n’ai vu que des morceaux et notamment de longs moments qui se passent en Pologne où les paysans du coin se remémorent les odeurs, les trains. Cette indifférence.


Le plus étrange de l’histoire est qu’elle se produit dans des lieux comme celui là. Inconnu. Sans intérêt.Gris, sales et tristes. Des sortes de lieux ou les hommes semblent en trop. Seules les villes ont une âme.

Anquetil tout seul

Aujourd'hui le Tour de France part de Corse et il n'est question que de dopage. Tous les vainqueurs des quinze dernières années se sont dopés. Il faudrait remonter à Greg Lemond pour trouver un vainqueur propre. Pourtant... 
Lu un livre sur Anquetil, attachant, aimant. Anquetil tout seul de Paul Fournel. L’étrange c’est que ce quintuple vainqueur du Tour de France n’était pas aimé, la France préférait le rustique Poulidor. Plus étrange, ce type avouait tout bonnement prendre des produits dopants et en riait, provoquant. Imagine t-on un coureur aujourd’hui avoir la même liberté de ton, alors même que le dopage est une pratique généralisée. Regardons les mâchoires de nos champions, ces hypertrophies des maxillaires, pour voir un banc de piranhas. Mais, venteux, ils n’alignent pas une phrase sur leurs pratiques, sauf, quand pris dans la nasse, ils avouent sous contrôle d’agences de communication. Anquetil appartient à un temps plus heureux, ou on se dopait mais où on pouvait encore croire qu’un champion restait champion même si il fréquentait le pharmacien.

A part cela, ce livre recréé un peu la poésie du Tour de France en noir et blanc, celui des après midi de juillet, chez le père Allouard, seul détenteur d’un poste de télévision qu’il descendait au garage qu’il ouvrait comme une salle de cinéma gratuite à tous les enfants de la cité. 

jeudi 4 juillet 2013

Requiem pour un paysan espagnol

J’ai longtemps ignoré ce chef d’œuvre et même l’auteur, Ramon Sender. Une centaine de pages. L’insignifiance de la connaissance française de la littéraire espagnole m’agace. Il n’est question que de polars. Rechercher des traductions de la génération de 98 est impossible. 

Revenons au Requiem, simple déroulé de la vie d’un paysan, tué par les phalangistes, jamais nommés, dans la mémoire du curé, qu’on appelle  Mosen Milan, qui l’enterre après avoir été amené à le  dénoncer. La mise à nu des mécanismes, des engrenages, qui conduiront à son assassinat. Il y a là toute la logique des guerres civiles. Telle que décrite par Bernanos : " Voilà une petite île bien calme, bien coite dans ses amandiers, ses orangers, ses vignes. La capitale n'a guère plus d'importance qu'une vieille ville quelconque de nos provinces françaises. La seconde capitale, Soller, n'est qu'un bourg. Les villages isolés les uns des autres, perchés à flanc de montagne ou disséminés dans la plaine ne communiquent entre eux que par de mauvaises routes, ou de rares pataches, au moteur essoufflé. Chacun de ces villages est un monde fermé, avec ses deux partis, celui des « Prêtres », et celui des « Intellectuels », auquel s'agrège timidement celui des ouvriers. Il y a encore le châtelain, qu'on ne voit d'ailleurs qu'aux beaux jours, mais qui connaît ses têtes, a noté depuis longtemps les mauvaises, en compagnie du curé son compère. N'importe ! La gentillesse des moeurs espagnoles fait que ce monde-là vit d'accord, danse ensemble les soirs de fête. Du jour au lendemain, ou presque, chacun de ces villages a eu son comité d'épuration, un tribunal secret, bénévole, généralement ainsi composé : le bourgeois propriétaire, ou son régisseur, le sacristain, la bonne du curé, quelques paysans bien-pensants et leurs épouses, et enfin les jeunes gens hâtivement recrutés par la nouvelle phalange, trop souvent convertis d'hier, impatients de donner des gages, ivres de l'épouvante qu'inspirent tout à coup, à de pauvres diables, la chemise bleue et le bonnet à pompon rouge. »

Voir sur le même livre :http://lebruitdeslivres.blogspot.fr/2013/03/requiem-pour-un-paysan-espagnol.html

Les grands cimetières

Il est des livres que je reprends de temps à autre. Les grands cimetières sous la lune sont de ceux-là et je ne me l’explique pas. Personne ne m’est plus étranger que Bernanos, catholique, royaliste,  ancien combattant de 14, père d’une ribambelle enfants… rien et pourtant j’aime ce livre ainsi que d’autres livres de lui, Journal d’un curé de campagne, Un crime, et dans un coup de folie, La grande peur des bien pensants, livre incompréhensible, dont les repères historiques m’échappent, époque où le magister de Maurras s’exerce encore, où Bernanos prend à parti le sourdingue marseillais car traitre à Drumont, ou je ne sais.  
Rien ne me rattache à Georges Bernanos, ni sa foi catholique, ni son idéal monarchiste. Camelot du Roi, antidreyfusard, maurrassien… il est difficile de suivre les méandres de ses combats, à moins d’une agrégation ès « droites françaises ». Politiquement introuvable, antidémocrate certainement. Bernanos, est à peine un contemporain, un personnage convexe, comme son buste de Port Royal, un personnage impossible, père de onze enfants, ayant épousé une descendante de Jeanne d’Arc (on croirait une blague), assureur, écrivain, installé en 1934, à Palma de Majorque : «  parce que le prix du bœuf et des pommes de terre y est encore abordable ». Il ne savait pas qu’il allait trouver la guerre civile. 

Témoin de hasard de la guerre civile, il n’en montre que les abords, car la guerre civile est essentiellement invisible, diffuse, habituée du petit jour et du crépuscule. La guerre civile est un état d’incertitude et les seules réalités sont les têtes ou les cadavres que l’on retrouve au matin et devant lesquelles les questionnements se posent encore. Parce qu’on ne sait rien, les gens meurt et tout devient conjecture. « La guerre civile ne m’a fait vraiment peur que le jour où je me suis aperçu que j’en respirais, presque à mon insu, sans haut-le-cœur, l’air fade et sanglant. »

Il n’y a rien de spectaculaire dans Bernanos. Nous sommes loin du journalisme de Malraux, d’Hemingway et Bernanos retrace cette atmosphère de guerre civile qu’il a vécue à Palma de Majorque, qui a été le point d’appui de la Légion espagnole et des règulares, qui ont formé le fer de lance des troupes franquistes de Yaguë. Il ne voit pas grand chose, peut-être ces camions pleins de paysans, les mains encore pleines de travail, qui vont être exécutés dans le soir. il entend, il entend à la radio la charla de Queippo de LLano (que l’on peut découvrir sur You Tube), il parle sans doute dans son castillan approximatif à ses voisins ; à ses nombreux enfants, dont au moins un (Ifi) est phalangiste et qui lui rapportent ce qu’ils voient ou entendent, car les enfants en savent plus que les parents dans ces temps incertains. 

En France nous connaissons peu la guerre civile espagnole, on en reste à l’histoire des vaincus, à la geste des brigadistes, des républicains, à Malraux. Nous avons une vision manichéenne. Bernanos est sans illusion. Sa dénonciation du franquisme ne signifie en rien son adhésion aux idées de la République espagnole. Ici il faudrait rappeler quelques éléments d’histoire de l’Espagne, de la seconde République après l’épisode Primo de rivera, la radicalisation des gauches, l’éphémère  République socialiste asturienne…

Bernanos m’intéresse car il écrit bien, son humour cruel, sa description des soldats de 14 anxieux à l’idée de rater le train pour l’Enfer, comme s’ils se rendaient à Viroflay, l’effet comique à répétition de l’oubli du nom de Salazar, sa totale indépendance d’esprit, sa réponse aux sollicitations à l’académie française,  : « Quand je n’aurai plus qu’une paire de fesses pour penser, j’irai l’asseoir à l’Académie ». Le personnage est facile à comprendre au final, c’est un croyant hors de l’Eglise officielle, hors de tout, seul. 


Alors oui, ce livre vaut pour son regard dont la force marque l’esprit comme une blessure.

mercredi 3 juillet 2013

Bruits


J’aime le bruit. Les livres sonores m’enchantent. José Maria de Heredia, comme le Salammbô de Flaubert et la poésie de Saint John Perse. Tout cela me sied, m’amuse, et il m’arrive de simplement rechercher sur Internet un poème de Heredia pour qu’aussitôt, tel un bandit manchot, la bibeloterie sonore tombe, comme des jetons.

"Toi, tu fondas, orgueil du sang dont je naquis,
Dans la mer caraïbe une carthage neuve
Et du Magdalena jusqu'au Darien qu'abreuve
l'Atraro, le sol rouge à la croix fut conquis" 

Au même (A un fondateur de ville) 
« … Toujours il y eut cette clameur, toujours il y eut cette splendeur,
« Et comme un haut fait d’armes en marche par le monde, comme un dénombrement de peuples en exode, comme une fondation d’empires par tumulte prétorien, ha ! comme un gonflement de lèvres sur la naissance des grands Livres,
« Cette grande chose sourde par le monde et qui s’accroît soudain comme une ébriété
Exil (Chant III)